Difficile de ne pas admettre que La Montagne au goût de sel est d'abord un travail d'autofiction. Ma mère a eu un père, puis un autre, car le premier est parti alors qu'elle n'avait qu'un an. J'ai rebaptisé cet illustre inconnu Adrien. Il est devenu cet enfant que l'on voit partout sur ces images 9,5 mm, muettes, datant des années 1930 et 1940, qui m'ont été données.

La Montagne au goût de sel a été réalisé selon le principe de ce que j'ai appelé mon cinéma de recyclage.

J'ai voulu y aborder des questions classiques et universelles, sous un angle qui, j'espère, place l'inconnu là où on ne l'attend pas. Peut-on vivre en couple en ne connaissant que la surface de l'autre ? Comment peut-on s'aimer intensément durant des années, et découvrir un jour que l'on est vraiment trop différent pour vivre ensemble, au point qu'on ne peut rien, l'un pour l'autre ?

La Montagne au goût de sel est construit comme si cette bobine de film de famille voulait dévoiler des secrets. Ce n'est pas un film d'archives commentées mais une fiction qui se joue au présent et où je me suis autorisé toutes les manipulations nécessaires pour raconter au mieux mon histoire. Pour redonner du sang à ces images d'une autre époque, nous avons fait sortir les mots des personnages par du ressenti d'acteurs.

Cette construction d'un intime imaginé à partir d'une réalité visuelle documentaire est-elle proche de ce qui a existé ?